Masculinité, patriarcat et mal-être silencieux
Le patriarcat impose aussi aux hommes des rôles rigides, sources de souffrances silencieuses. Interroger ces normes, c’est leur offrir la liberté d’être pleinement eux-mêmes, dans des relations plus justes et authentiques.
Chrystelle Oeuvrard-Moreau
5/25/20252 min read


Masculinité, patriarcat et mal-être silencieux: déconstruire les mythes pour mieux se (re)connaître
Il n’y a pas très longtemps, nous discutions avec mon conjoint du patriarcat. Il pensait que, finalement, les hommes étaient toujours les grands vainqueurs du système. En effet, lorsqu’on parle de patriarcat, on évoque souvent les injustices subies par les femmes ( à juste titre !). Pourtant ce système de domination masculine, qui structure nos sociétés depuis des siècles, n’épargne pas les hommes. Il leur impose également des rôles, des normes et des injonctions qui peuvent devenir des sources de souffrance, de confusion ou d’isolement.
Le patriarcat attend des hommes qu’ils soient forts, performants, compétitifs, virils, indépendants, stoïques. Dès l’enfance, les petits garçons entendent souvent : « Sois fort », « Ne pleure pas », « Faut être un "bonhomme" ». Cette injonction à la virilité s’accompagne d’un interdit majeur : ne pas exprimer ses émotions. Peu à peu, en grandissant, beaucoup d’hommes se retrouvent coupés de leur monde intérieur.
Cette répression émotionnelle a un prix. Elle peut mener à des formes de mal-être profond, difficilement verbalisables : irritabilité, colère, dépression masquée, addictions, isolement relationnel... Trop souvent, les hommes n’ont ni les mots ni les espaces pour dire ce qui les traverse. Ils ne peuvent interroger ce qu’ils ont intégré comme « normal » ou « attendu ». Le patriarcat ne leur laisse que peu d’alternatives pour explorer d’autres facettes d’eux-mêmes, plus sensibles, vulnérables et nuancées.
Sur le plan relationnel, les hommes sont parfois enfermés dans des modèles affectifs qui valorisent la conquête, la maîtrise ou la domination. Cela peut entraver la qualité de leurs liens amoureux, amicaux ou familiaux. Certains peinent à construire une intimité émotionnelle profonde, ou à se sentir à l’aise dans un rôle de partenaire égalitaire. D’autres souffrent d’un sentiment d’inutilité, notamment aujourd'hui, face à des femmes plus autonomes. Cela peut générer de la frustration et une confusion identitaire.
Dans le monde du travail aussi, la pression est forte : réussir, gagner, faire carrière… Quitte à s’épuiser ou à passer à côté de ses véritables aspirations! Dans un système qui valorise la compétition et le contrôle, la fragilité ou le doute sont souvent perçus comme des faiblesses. Beaucoup d’hommes souffrent alors en silence, craignant de décevoir ou de perdre leur statut.
Interroger le patriarcat, ce n’est pas accuser les hommes, ni nier leurs privilèges. C’est leur offrir la possibilité de sortir des carcans rigides qui nuisent à leur bien-être et à la qualité de leurs relations. C’est leur permettre de redéfinir leur rapport à eux-mêmes mais aussi aux autres et, surtout, à la masculinité.
Aujourd’hui, de plus en plus d’hommes prennent conscience de ces enjeux. Ils viennent en consultation pour explorer ce qui, en eux, résiste, se questionne ou lorsqu'ils aspirent à autre chose. C’est un pas courageux, qui demande de la lucidité et de la bienveillance envers soi-même. Déconstruire les normes patriarcales, c’est se donner la liberté d’être pleinement humain : complexe, sensible, singulier.